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Projets alimentaires territoriaux : faire progresser la démocratie alimentaire
Suite à un premier travail sur les PAT, le GT alimentation d’InPact s’engage en 2023 dans un projet intitulé « Construire un bilan lucide, critique et partagé des PAT pour faire progresser la démocratie alimentaire ».
Des PAT de plus en plus nombreux : l’urgence d’un premier bilan
Les PAT, un dispositif local en passe de devenir incontournable...
Les projets alimentaires territoriaux (PAT) se sont imposés en peu de temps dans le paysage des dispositifs territorialisés de politique publique. Créé en 2014, le dispositif ne comptait que 27 PAT labellisés en 2019, contre plus de 400 en 2022. Le programme France Relance et le budget l’accompagnant ont incité de nombreuses collectivités territoriales à franchir le pas et se doter de cet outil de concertation et de planification.
Aujourd’hui, on observe une volonté des pouvoirs publics et notamment de l’État de faire des PAT un levier d’atterrissage et de mise en cohérence de ses autres politiques publiques, en témoignent par exemple le cahier des charges « pro-PAT » du volet local du fonds « Mieux manger pour tous » porté par le ministère des Solidarités ou l’arrivée récente de nouveaux acteurs comme le ministère de la Santé dans le financement des derniers appels à projets PNA fléchés vers les PAT.
À l’avenir, les PAT devraient donc poursuivre leur développement et s’imposer de manière structurante comme un dispositif incontournable des politiques publiques agricoles et alimentaires locales. En effet, que ce soit les premiers positionnements de la prochaine loi d’orientation agricole (LOA), de la future Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (SNANC) ou les orientations du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE), du Conseil national de l’alimentation (CNA) ou encore le rapport « Projets alimentaires territoriaux : Plus vite, plus haut, plus fort » du sénateur Marchand et du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), tous appellent à un renforcement des PAT.
Pourtant, malgré un recours croissant aux PAT et bientôt presque dix ans d’existence du dispositif, peu d’analyses critiques du dispositif existent. Localement, très peu de PAT font l’objet d’une évaluation, tandis qu’au niveau national, l’observatoire du RnPAT ne permet pas de construire un premier bilan lucide du dispositif.
Depuis l’émergence du dispositif, nos réseaux s’investissent à divers degrés dans de nombreux PAT sur l’ensemble du territoire : parfois ignorés par les porteurs de PAT, parfois acteurs moteurs, parfois prestataires, parfois partenaires, parfois « embarqués de force » ou parfois même animateurs de PAT ou de dynamiques inter-PAT… Riches de ces expériences diverses, nos réseaux peuvent aujourd’hui contribuer à développer et diffuser un premier bilan critique de ce dispositif en s’appuyant sur le vécu des salarié·es, citoyen·nes et paysan·nes de nos réseaux.
… mais qui soulève de nombreux défis pour nos réseaux
Bien que les PAT aient permis aux structures territoriales du réseau InPact d’occuper une place de plus dans la gouvernance agricole et alimentaire locale, force est de constater qu’ils ne permettent pas ou trop peu de démocratiser le système alimentaire ni même d’opérer la transition nécessaire et souhaitée du système agricole. De nombreux biais viennent contraindre les capacités transformatives de ce dispositif : une gouvernance peu partagée, des moyens financiers et humains insuffisants, une prise en compte inégale des différents enjeux du système alimentaire …
Pourtant, nos réseaux se mobilisent au sein des PAT et certaines avancées plus ou moins importantes peuvent être constatées et en premier lieu peut-être l’apparition « d’un problème public alimentation » au niveau local (mise à l’agenda local de la thématique, création de postes sur l’alimentation dans les collectivités…). La volonté de certains acteurs de doter les collectivités territoriales d’une réelle compétence alimentation incarne ce saisissement récent par les collectivités de cette thématique.
À l’heure où les pouvoirs publics encouragent d’une même voix les membres de nos réseaux à se tourner vers les PAT pour réaliser leurs projets, nous constatons l’inadéquation entre les besoins des acteurs du système alimentaire et la réponse faite par les pouvoirs publics. Ainsi, considérant le développement récent et à venir des PAT, considérant l’urgence d’une transition et d’une démocratisation du système alimentaire et considérant la spécificité de nos réseaux d’éducation populaire et de développement agricole, nous sommes confrontés à trois défis :
Défi 1 : Rester lucide : Ne pas idéaliser les PAT, sans les enterrer
Face aux blocages politiques aux niveaux national et européen, il peut être tentant pour nos réseaux de se replier sur des arènes locales et ainsi considérer favorablement le développement d’un nouveau cadre de définition et d’orientation des politiques agricoles et alimentaires à l’échelon territorial. De plus, porteurs d’initiatives locales et militants pour une prise en compte de l’alimentation sous toutes ses dimensions, nos réseaux peuvent être attirés par les promesses de transversalité des PAT, espérant que ces derniers soient le cadre propice pour un essaimage d’initiatives qui s’ouvrent à de nouveaux acteurs contribuant à modifier les rapports de force en vigueur. Dès lors, un risque existe : celui de mettre toutes nos forces et espoirs dans les PAT et ainsi se faire absorber par ces derniers et désinvestir les autres échelles et arènes où se jouent pourtant l’essentiel des décisions qui contribuent à l’orientation du système alimentaire. Un bilan lucide des PAT est donc nécessaire pour orienter la stratégie de nos réseaux et s’engager dans les PAT « en connaissance de cause ».
Défi 2 : Ne pas se faire transformer par les PAT
Les PAT incarnent la transformation des politiques publiques et ses travers. Ils contribuent à leur technicisation et incitent les collectivités territoriales à recourir à des cabinets d’expertise et de conseil. Ils entérinent un fonctionnement « par projet » des collectivités dont témoigne la multiplication d’appels à projets sous-financés qui ne permettent pas de construire sur le temps long des politiques de territoires cohérentes. À la recherche d’un consensus, ils peuvent évacuer les thématiques clivantes et ainsi dépolitiser les politiques agricoles et alimentaires. Or, l’ensemble de ces phénomènes peuvent ricocher sur le fonctionnement même de nos structures en les déviant de leurs centres d’actions et missions d’éducation populaire. Comment ne pas se faire transformer par les PAT en de simples prestataires de services ? Comment face à la technicisation et la bureaucratisation que peuvent draguer derrière eux les PAT (multiplication de comités Théodule chronophage, réponse à des appels à projet en temps réduits…), garder ce qui fait notre identité, à savoir des structures d’éducation populaire du développement agricole par et pour les paysan·nes et citoyen·nes ? Comment ne pas se faire happer par les PAT et délaisser d’autres thématiques ?
Défi 3 : Saisir l’opportunité des PAT pour faire progresser la démocratie alimentaire
Les PAT peuvent cependant représenter aussi un cadre intéressant pour développer les actions de nos réseaux. Pouvant faire intervenir d’autres acteurs dans le rapport de force, ayant une ambition transversale, les PAT peuvent en théorie être un levier intéressant de développement d’espaces de démocratie alimentaire. Si aujourd’hui ils ne le permettent globalement pas, un investissement continu et efficace par nos réseaux - en alliance avec d’autres acteurs (ex : acteurs de la solidarité, citoyen·nes, mangeur·ses, élèves et parents d’élèves…) - des PAT peuvent contribuer à créer des brèches pour la démocratie alimentaire et la reconquête de pouvoir sur le futur agricole et alimentaire de nos territoires. Néanmoins, cela suppose pour nos réseaux d’expérimenter et d’analyser collectivement ce qui fonctionne et ne fonctionne pas afin de partager ces enseignements avec tous les nouveaux de nos organisations communes.
Deux ans d’actions
Notre projet est pensé sur deux ans (2024 - 2025) et débutera lors du séminaire national d’InPact prévu en janvier 2024 avec l’organisation d’un atelier dédié. Il se compose de deux axes principaux.
Axe 1 : Faciliter l’échange et s’outiller pour faire des PAT des brèches de la démocratie alimentaire
Objectif : Identifier et partager les difficultés et menaces que font peser les PAT sur nos structures. Identifier et partager les bonnes pratiques que nos réseaux ont réussi à déployer dans le cadre de PAT.
Cibles : Salarié·es, bénévoles, administrateurs et administratrices des réseaux membres d’InPact.
Actions : Organisation d’une série d’échanges sous formats de webinaires thématiques ouverts aux membres d’InPact avec comme toile de fond les PAT, la démocratie alimentaire et les enjeux que cela soulève pour nos réseaux. Ces espaces d’échanges feront la part belle aux expériences locales de nos réseaux et seront enrichis de l’expérience et l’expertise d’intervenant·es choisi·es. Les comptes-rendus rédigés seront le support de travail de l’axe 2.
Axe 2 : Rédaction et diffusion d’une note critique et constructive du type : « Les PAT : outil inoffensif ou brèche pour démocratiser le système alimentaire ? »
Objectif : Aider les InPact territoriaux et membres de nos réseaux à s’investir « en connaissance de cause » dans les PAT, partager avec nos réseaux et les acteurs des PAT une critique construite, conscientisée et éprouvée par le terrain du dispositif PAT. Proposer aux décideurs publics et autres acteurs des PAT des axes d’améliorations du dispositif.
Cibles : Salarié·es, bénévoles, administrateurs et administratrices des réseaux membres d’InPact, élu·es locaux, réseaux de collectivités, porteurs de PAT.
Actions : Compilation et organisation des éléments ressortis lors des webinaires de l’axe 1. Rédaction d’un document support pour les acteurs InPact mobilisés sur les PAT et leurs partenaires (élu·es, porteurs de PAT) sous forme d’une note critique et constructive. Organisation de temps de présentation de cet outil aux différentes cibles, notamment des réseaux de collectivités territoriales.
Projet soutenu par la fondation Un monde par tous.