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Pour sortir « foncièrement » l’agriculture française du capitalisme

Cultiver les communs. Pour sortir « foncièrement » l’agriculture française du capitalisme
Avec Tanguy Constant Martin, le 6 juin 2022

Présentation de l’intervenant
Agronome, je milite depuis plus de quinze ans dans l’association de solidarité internationale et de technocritique Ingénieur·es sans frontière et son groupe Agricultures et souveraineté alimentaire (Agrista). Dans ce cadre, je participe activement au collectif pour une sécurité sociale de l’alimentation ou encore à la Plateforme pour une autre PAC. Par ailleurs, je travaille dans l’accompagnement à l’accès au foncier agricole dans l’ouest de la France depuis plus de dix ans (d’abord pour la Safer Poitou-Charentes, puis pour Terre de Liens Pays de la Loire). Ces activités militantes et professionnelles me conduisent aussi à mener des actions de plaidoyer sur la terre, l’agroécologie et l’alimentation durable aux niveaux régional, national et européen. J’interviens le 6 juin pour InPact à titre personnel. Mes propos ne refléteront pas forcément les positions politiques de mes employeurs successifs, ni des collectifs au sein desquels je milite.

Thèse défendue
De nombreuses expériences sociales de propriété collective dessinent ce que pourrait être la gestion en « commun » des terres en France, le plus loin possible des logiques mortifères du capitalisme. Pour enthousiasmante et réussies que soient ces initiatives, elles restent incapables seules de provoquer le changement systémique qu’elles ambitionnent. Pour cela, il faudrait les adosser à une transformation des institutions et des droits (formels et informels) de l’accès à l’usage des terres, voire de la relation des humains à la terre. Heureusement, sous l’influence de luttes paysannes, le droit rural français a développé des mécanismes non-marchands d’allocation des terres. Bien qu’ils soient plutôt méconnus, ils pourraient être les prémices d’une démocratie foncière agricole émancipatrice et féconde pour sortir l’agriculture française de la sphère du capitalisme et plus généralement penser la sortie du capitalisme.

L’intervention

Introduction - Considérations générales sur la démocratie, le capitalisme et le marché

L’idée que le capitalisme et la démocratie seraient consubstantiels est à déconstruire. En effet, que ce soit dans la société en général ou plus particulièrement dans les collectifs de travail, la décision par la délibération démocratique est sans cesse mise en défaut par le marché et l’impératif de profits. D’ailleurs, l’État français supposément démocratique, comme beaucoup d’autres, privilégie régulièrement cet impératif de profit et sert ainsi les intérêts des capitalistes. Même dans des activités hors de la sphère directe du profit, dans les secteurs public ou associatif à but non lucratif, les méthodes de gestion capitaliste s’imposent de plus en plus.
Pour pouvoir comprendre le fonctionnement d’un marché foncier en régime capitaliste, il faut d’abord faire la distinction entre marché, marchandisation et capitalisme. Ces catégories ne sont pas réductibles les unes aux autres. Le marché n’est qu’un des modes de coordination des activités humaines possible. En soi, il n’est pas problématique. Il le devient dans le capitalisme qui tend à l’imposer comme mode unique de coordinations des activités et à marchandiser tous les biens et services existants, notamment la force de travail et plus généralement le vivant. Penser une sortie du capitalisme nécessite de penser le bon périmètre des marchés et de les soumettre à la délibération collective.

1/ Les enjeux et régimes fonciers agricoles à l’heure du néo-libéralisme

Notre relation à la terre détermine comment nous mangeons et vivons, ce qui devrait nous inciter tou·tes à nous intéresser cette relation, c’est-à-dire aux questions foncières. C’est d’autant plus vrai que la terre a joué un rôle central dans l’émergence du paradigme économique actuel du capitalisme, et joue un rôle tout aussi important dans sa perpétuation et son développement. Le foncier agricole est intégré à la logique capitaliste par son accaparement, sa marchandisation, sa financiarisation et la simplification de ses usages. Cette intégration permet l’extraction de profit tout à la fois par la rente foncière, par la plus-value volée au travail paysan et par les destructions des écosystèmes. Ainsi, cette extension de la sphère capitaliste aux terres vient détruire de nombreuses fonctions sociales humaines et écosystémiques, ainsi que restreindre drastiquement l’exercice possible des droits humains et de la nature. Comme dans d’autres secteurs, le capitalisme déploie sur les terres agricoles les oppressions et destruction qui lui sont consubstantielles.
Logiquement la terre, et l’accès à son usage, se retrouvent être un objet de luttes pour l’émancipation humaine et la préservation de la planète. Plusieurs pistes de résistance découlent directement de ces constats. Premièrement, on peut envisager de démocratiser le gouvernement du foncier. Pour cela il faudrait ré-encastrer la question foncière agricole dans les sphères sociales et environnementales. Cela passerait nécessairement par l’annulation la rente foncière ainsi que la « définanciarisation » et « démarchandisation » de la terre. Deuxièmement, il faudrait multiplier les usages et complexifier les pratiques agricoles s’opposant à l’abstraction capitaliste, par exemple via l’agroécologie qui permet de limiter la mécanisation et la « chimisation » de l’agriculture.
Troisièmement, on doit chercher à annuler l’extraction de plus-value du travail paysan et plus généralement mettre fin aux multiples oppressions capitalistes infligées aux paysan·nes sur les terres, par exemple par la réorganisation de la production agricole selon des modalités coopératives.
Cela revient à vouloir faire de la terre un commun. C’est-à-dire une ressource dont la préservation, et celle des fonctions sociales ou écosystémiques qui y sont associées, sont posées comme principe absolu. Les règles d’accès et d’usage du commun sont définies au sein d’une communauté responsable. L’usager·e du commun est lié·e aux autres usager·es par la coproduction des règles d’usage, ce que Pierre Dardot et Christian Laval appellent la « coobligation » [1]. Ceci amène à changer radicalement l’institution de la propriété qui ne peut plus être basée sur le fait de disposer de la chose et de pouvoir la détruire (abusus), mais sur ses usages.
Se doter de régimes juridiques formels ou informels et de systèmes économiques non-capitalistes est une nécessité pour préserver les droits humains et les écosystèmes liés à la terre. Cette idée, loin d’être seulement théorique, est portée partout dans le monde en s’appuyant sur des formes historiquement préalables ou parallèles au capitalisme, ou sur des innovations, qu’elles soient à visée volontairement anticapitaliste ou non.

2/ Entre propriété absolue et régulation, le foncier agricole français de Charybe en Scylla

La propriété privée de la terre est une affaire sérieuse et passionnelle en France. Son caractère absolu, ou du moins perçu comme tel depuis la Révolution de 1789, fonde une position sociale particulière des propriétaires fonciers qui ancre profondément les terres françaises dans le capitalisme.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale et jusqu’à la fin du XXe siècle, le régime foncier s’appliquant aux terres agricoles a desserré l’emprise des propriétaires sur les paysan·nes. Cela s’est accompagné d’une restriction drastique de la rente foncière agricole et du développement de mécanismes non-marchands d’allocation des terres. Ces mécanismes n’ont pas pour autant réalisé une vraie démocratie foncière, car ils relèvent souvent du corporatisme. Cette séquence politique foncière a aussi limité la hausse des prix des terres. Si ces derniers ont fortement varié dans le temps et selon les territoires, ils restent en très grande partie moins élevés en France que chez nos voisin·es européen·nes. Cela a permis de limiter l’endettement des paysan·nes, même si ce dernier reste très important, pour financer la maîtrise d’autres facteurs de production telle la mécanisation, ou postes de dépenses personnelles comme le logement.
Cependant, ce régime foncier limitatif de la propriété capitaliste a été mis au service de la modernisation agricole et de son corollaire, la prolétarisation des paysan·nes. Il a fondé un régime d’exclusion foncière massive des paysan·nes et des êtres vivants les moins à même de nourrir la plus-value capitaliste. Les politiques européennes ont accompagné et renforcé ce mouvement, tout en permettant avec les aides publiques proportionnelles aux surfaces au début des années 2000 de réinventer une rente foncière administrative. Ce régime foncier et ces politiques agricoles ont donc mené à une fantastique concentration des terres entre les mains d’un nombre de plus en plus faible d’acteurs. De plus, ces derniers sont aussi de plus en plus éloignés de l’activité agricole et adoptent donc des logiques qui ne font parfois même plus semblant de chercher à nourrir les humains ou à reproduire la fertilité des sols. Les régulations excluantes de 1960 et 1962 sont même parfois devenues des freins à la libéralisation et à la financiarisation de l’agriculture et du foncier agricole. Ces régulations sont donc aujourd’hui attaquées par une partie des tenants de la nouvelle modernisation de l’agriculture (financière et « digitale ») et défendues, faute de mieux, par les tenants de l’agriculture paysanne.
La logique capitaliste et marchande ne s’est pas pour autant imposée partout dans l’agriculture. Les régulations foncières ne sont pas contournées que dans des processus d’extension du capitalisme agricole, mais aussi dans des processus corporatistes, ou encore citoyens. D’ailleurs, l’instauration de la modernité agricole a aussi suscité de nombreuses résistances, ce qui a forcé à des aménagements du régime foncier ou à des pratiques conduisant vers plus de justice, sans pour autant inverser la tendance. Nous verrons dans les parties suivantes que le caractère incomplet et ambigu de la transition capitaliste du régime foncier français est une opportunité pour sa subversion anticapitaliste. Ces résistances ont été au fur et à mesure renforcées par l’intérêt croissant de la société civile et des mouvements sociaux envers l’alimentation, l’agriculture et l’environnement. Ainsi, certaines luttes foncières sont aujourd’hui cogérées, voir intégralement gérées, par des non-professionnel·les de l’agriculture.
Ces reconfigurations des luttes foncières amènent à imaginer de nouvelles stratégies pragmatiques sans attendre le grand soir, mais assez radicales pour répondre aux enjeux détaillés ci-dessus. Pour préciser ce que pourraient être ces stratégies, la partie suivante aborde les initiatives qui tendent à faire de la terre et de sa propriété des questions collectives et démocratiques en France métropolitaine aujourd’hui.

3/ La propriété collective privée ou publique peut-elle sortir le foncier du capitalisme en France ?

Alors que le rapport de force politique actuel exclut temporairement la possibilité d’un changement radical du droit foncier, de nombreuses initiatives expérimentent des formes de gestion originales s’éloignant des modalités d’action capitalistes. De nombreuses initiatives concrètes fleurissent aujourd’hui en France métropolitaine, la plus connue étant à ce jour Terre de Liens. Nous pouvons récapituler quelques options stratégiques explorées par ces initiatives.
La voie de la « nationalisation » ou d’une « communalisation » publique d’une partie substantielle des terres agricoles est parfois mise en avant, mais n’est envisagée sérieusement par aucun acteur public. Cette option devrait donc faire l’objet d’un travail de conviction ou de prise de pouvoir, au moins dans les collectivités territoriales, pour devenir substantielle. Malheureusement, la tendance est plutôt à la vente des rares terres communales et sectionnales, pourtant les plus proches que l’on connaisse d’une gestion en commun en France. De plus, l’idée de faire des terres un bien public permettant leur gestion en commun nécessiterait une rénovation de fond en comble de la démocratie formelle en France. Ni l’État, ni les collectivités territoriales ne sont dotées aujourd’hui des outils ni des savoir-faire pour mettre en œuvre une démocratie foncière agricole. Néanmoins, certains exemples de gestion dites « participatives » mis en œuvre par des collectivités territoriales peuvent laisser penser que ce n’est pas une fatalité.
Beaucoup d’acteur·rices se sont tourné·es depuis plus de vingt ans vers une option stratégique de rachat privé collectif des terres, souvent avec la bénédiction des pouvoirs publics. Pour enthousiasmantes que soient ces expériences, leurs moyens humains et économiques ne leur permettent d’être que des expériences. En plus d’apporter des solutions ponctuelles, mais concrètes, à des problèmes sur des territoires, ces expériences participent à rendre désirable l’idée d’une gestion en commun du foncier agricole dans l’inconscient collectif. Enfin, elles permettent de dessiner les défis que devra relever toute tentative de faire de la terre un commun, du moins en France. Il paraît donc intéressant d’investir et de faire vivre ces initiatives de portage foncier solidaire, tout en étant lucides sur leurs limites. Une grande partie de ces initiatives se construisent sur une propriété sociétaire de la terre. Des acteur·rices aux visées radicalement opposées, que l’on peut nommer rapidement tenant·es d’une agriculture capitaliste de firme, recourent aux mêmes formes sociales. Il faut donc veiller à ce que toute mesure visant à favoriser les initiatives solidaires et non lucratives ne soit pas un cheval de Troie pour favoriser cette agriculture de firme.
Il ne faut pas opposer les stratégies de propriété publique et de portage foncier agricole solidaire. Dans de nombreux cas, elles s’articulent au gré des opportunités. Ainsi, la mise en œuvre du projet alimentaire territorial de la commune de l’Île d’Yeu a abouti à la création d’une société coopérative de portage foncier collectif solidaire. On peut aussi mentionner l’acquisition de terres à Aubagne conjointement entre la foncière Terre de Liens et la communauté de communes, sur des terres récupérées suite à une lutte contre l’implantation d’un parking de grande surface et grâce à une préemption en révision de prix par la Safer. La moitié des terres et un bâtiment ont été achetés par la collectivité et l’autre moitié par la foncière. Le tout a été loué à un couple de maraîcher·es pratiquant l’agriculture biologique. Enfin, certain·es fermier·es de structures de portage solidaire, notamment en élevage de montagne, bénéficient aussi de location de prés communaux ou sectionnaux.
Il semble malheureusement qu’il n’y ait pas aujourd’hui de programme politique clair et partagé pour dépasser ces deux options de collectivisation du foncier (publique ou privée non lucrative) pour étendre la sphère du commun.

4/ « Communiser » les usages pour effacer la propriété capitaliste

Je tente de montrer dans la troisième partie qu’il est impossible d’espérer dépasser les problèmes inhérents à la propriété foncière uniquement en passant par l’appropriation collective privée ou publique. Bien sûr, cette dernière reste une voie intéressante et peut servir d’appui à d’autres stratégies interrogeant plus radicalement la question de la propriété absolue et la nécessité de ne plus avoir à rendre de comptes à des apporteur·ses de capitaux, fussent-ils les mieux intentionné·es du monde.
En cela les régulations foncières des années 1960 et 1962 portent en elles les germes d’une allocation des usages des terres par un marché non-lucratif des baux agricoles cogéré entre l’État et la représentation syndicale agricole. Cette perspective intéressante ne doit pas faire oublier que ces mécanismes non-capitalistes ont été des alliés puissants du capitalisme dans la mise en œuvre de la modernisation agricole en France. Il y a donc loin des régulations foncières agricoles françaises en 2021 à l’institution de la terre agricole comme commun que nous pouvons appeler de nos vœux. La refondation du contrôle de l’usage des terres devra donc se donner des boussoles anticapitalistes. Il semble que la recherche de la démocratie, de la multiplication et de la complexification des usages, ainsi que de l’annulation de la rente foncière et de l’endettement paysan peuvent être quelques points cardinaux à envisager.
Les expériences de portage foncier solidaire seront ici riches d’enseignements pratiques, mais aussi techniques. L’aventure commune nécessitera en effet d’articuler et de gouverner les usages humains et non-humains du foncier agricole, mais aussi de décider le périmètre séparant le foncier agricole du foncier non-agricole. Face aux conflits qui nous guettent sur ce chemin, les démarches paysagères seront aussi un des outils de notre réussite.
Creuser le sillon de la régulation des usages de la terre en abandonnant sa propriété, du moins dans son sens moderne, en rase campagne ouvre une voie féconde. D’autant plus que cette voie est familière à la paysannerie française depuis des décennies sous la forme moderne de la politique dite du « contrôle des structures ». Reste à savoir comment réunir un bloc social assez large autour d’un récit politique suffisamment unificateur pour parvenir à l’entente d’une majorité de la paysannerie, et de ses générations futures, et d’une fraction importante de la société civile. Si le récit des communs peut fournir un début de réponse, il ne se suffit pas à lui-même et d’autres pistes doivent être approfondies. Le croisement des rapports humains à l’alimentation carnée, à l’élevage et à l’environnement pourrait en être un élément central, d’unité ou de division. Le rôle à donner à l’État ou au public et aux syndicats agricoles, dans leurs complexités, sera un élément tactique important, sans adopter une position naïve sur la capacité et la volonté publique de soutenir le capitalisme.
Il faut aussi admettre que le foncier agricole ne représente qu’une partie des espaces matériels investis par les humains à libérer du capitalisme. La sortie « foncière » de l’agriculture du capitalisme doit donc être envisagé en relation avec d’autres sorties du capitalisme et plus généralement des systèmes d’oppression qui traversent l’humanité et affectent le vivant.

Conclusion – L’aube stratégique de l’anticapitalisme foncier

La question du soin de la terre et des paysan·nes est aujourd’hui à l’agenda et appropriée par une partie de la population française. Le succès du film Au nom de la terre, sorti en 2019 et qui aborde frontalement le sujet du suicide paysan, en est un des exemples emblématiques. Par contre le sujet reste clairement à politiser. La compréhension des mécanismes à l’œuvre sur ces questions foncières agricoles reste à partager. Nous devons nous atteler à révéler l’importance du capitalisme dans les désordres fonciers que nous déplorons et mobiliser la critique marxiste et les théories des communs pour cela.
Malgré l’air entêtant de l’Internationale, difficile d’imaginer « faire du passé table rase ». Il y a toujours lieu de chercher dans l’histoire sociale et politique les prémices sur lesquels bâtir nos émancipations de demain. Dans le cas du foncier agricole en France, les communaux, l’allocation de l’accès à l’usage de terres par un processus délibératif entre usager·es ou encore les luttes d’occupation foncières depuis le Larzac jusqu’au mouvement des ZAD nous offrent de quoi asseoir concrètement les fondations de notre anticapitalisme foncier. Mais cela ne sera pas suffisant, et il nous faut aussi développer un imaginaire radical pour transformer ces essais, ces utopies réelles comme les nomme le sociologue Erik Olin Whright [2], en des institutions d’un monde post-capitaliste.
À l’heure où la question stratégique de la sortie du capitalisme semble reprendre une certaine vigueur éditoriale [3], la question foncière agricole en France offre l’occasion d’un exercice pratique. Nous avons les outils pratiques et théoriques pour nous atteler à la tâche de faire de la terre un commun, en France et l’envisager ailleurs aussi.

Sélection d’articles sur le sujet dont je suis l’auteur ou le co-auteur

« Le modèle agricole de la Macronie, ou le triomphe annoncé de l’agribusiness » (2021), revue en ligne Contretemps.

« Terre de Liens et SAFER, ensemble pour l’installation » (2013), revue Pour, vol. 220.

« Sortir de l’indigestion capitaliste » (2019), revue en ligne Contretemps.

Avec Mathieu Dalmais « Les femmes rurales victimes d’un double accaparement des terres » (2016), blog d’Ingénieurs sans frontière sur le site d’Alternatives économiques (publié précédemment dans la revue Altermondes).

Pour aller plus loin

Sur le marché et le capitalisme

Histoire politique et économique de la régulation foncière agricole

Des terres en commun : stratégies locales d’accès à la terre pour l’agriculture paysanne et l’agroécologie

Une politique foncière pour une transition agroécologique en Europe

Prises de terres par le capitalisme dans la modernisation agricole

La politique agricole commune (PAC) et le foncier

Subversion des fonds de dotation pour collectiviser des terres

Bibliographie sélective sur les stratégies anticapitalistes

La question des communs faits l’objet d’une production très importante depuis l’obtention du « prix Nobel d’économie » par Elinor Ostrom. Sa déclinaison dans les mouvements altermondialistes est aussi l’objet d’une littérature importante, y compris dans ses composantes marxistes. On pense aux travaux de Michael Hardt et Antonio Negri (Empire en 2000, Multitude en 2004 et Commonwealth en 2009) et récemment en France au Commun. Essai sur la révolution au XXIe siècle de Pierre Dardot et Christian Laval en 2014. Cependant, si l’idée que la terre devrait être un (bien) commun semble partagé dans de nombreux mouvement sociaux, la connaissance des mécanismes fonciers n’est pas largement partagée. Il y a bien les travaux du géographe David Harvey, mais qui restent le plus souvent centrées sur l’espace urbain ou sur des considérations théoriques, passionnantes mais souvent très générales.

Il existe de nombreux ouvrages traitant des effets du capitalisme sur l’écologie et les crises environnementales (climat, biodiversité, etc.) comme Pour sauver la planète, sortez du capitalisme (2009) d’Hervé Kempf. De nombreux penseurs marxistes s’attaquent même frontalement à la question environnementale. Chez les auteur·es écrivant en français, on pense à Jean-Marie Harribey dans La Richesse, la valeur et l’inestimable. Fondements d’une critique socio-écologique de l’économie capitaliste (2013) ou encore Michael Löwy avec Écosocialisme (2013). La production éditoriale en anglais est aussi riche en la matière, le plus connu des auteurs étant sans doute John Bellamy Foster et son Marx’s Ecology : Materialism and Nature (2000). On pense aussi à Jason Moore, auteur de Capitalism in the Web of Life : Ecology and the Accumulation of Capital (2015), et à la controverse qu’il entretient avec Foster.

Il y a par contre moins d’ouvrages d’analyse critique sur les questions foncières agricoles en France. On oscille entre deux pôles : d’un côté les travaux de sociologie rurale comme Le Foncier agricole dans une société urbaine, innovations et enjeux de justice (2020) codirigé par Coline Perrin et Brigitte Nougarèdes ; et de l’autre les guides d’action et les compilations d’expériences militantes portées par des coalitions associatives ou syndicales comme Des terres en commun ! Stratégies locales d’accès à la terre pour l’agriculture paysanne et l’agroécologie (2020) publié par le mouvement Nyéléni Europe (à la rédaction duquel j’ai d’ailleurs participé).

Enfin, il existe un certain renouveau d’ouvrages sur les stratégies anticapitalistes, des Adieux au capitalisme. Autonomie, société du bien vivre et multiplicité des mondes (2016) de Jérôme Baschet aux Stratégies anticapitalistes pour le XXIe siècle (2020) d’Erik Olin Wright en passant par Communisme et stratégie (2019) d’Isabelle Garo. Ces ouvrages restent très généralistes, et méritent d’être déclinés sur des sujets plus concrets, même si le travail d’Erik Olin Wright s’appuie évidemment sur des études de cas détaillées dans Utopies réelles (2017).


[1Pierre Dardot et Christian Laval (2014), Commun. Essai sur la révolution au XXIe siècle, La Découverte.

[2Erik Olin Whright (2017), Utopies réelles, La Découverte.

[3Postface d’Alain Jeanpierre à Erik Olin Whright (2020), Stratégies anticapitalistes pour le XXIe siècle, La Découverte.