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Pour installer plus, coopérons mieux

Les futurs agriculteurs et agricultrices ont droit à un accueil et à un accompagnement qui répondent à leurs besoins ! Face à l’enjeu de renouvellement des générations agricoles et de transition agroécologique, nous, associations d’accompagnement à l’installation-transmission, appelons à une coopération renforcée entre tous les acteurs. Les élus ont le pouvoir de les rassembler autour de la table.

Nos actions, qui touchent chaque année des milliers de candidats et candidates souvent non issus du milieu agricole, et les innovations portées par nos réseaux associatifs doivent être davantage soutenues et reconnues. Nous appelons dans cette tribune les élus locaux à organiser ces coopérations et à s’associer à nos réseaux et à tous les acteurs souhaitant agir pour des campagnes vivantes.

En 2020, la France métropolitaine ne comptait plus que 500 000 agriculteurs et agricultrices, 100 000 de moins qu’en 2010, dont 80 % de plus de 40 ans. Cette hémorragie continue puisqu’on s’achemine vers moins de 400 000 agriculteurs d’ici dix à quinze ans. Sans un investissement massif dans l’accompagnement à l’installation et à la transmission, la prise en compte des nouveaux profils et besoins et un virage serré dans les politiques agricoles, nos campagnes seront vidées de leurs paysans. Comment accélérer la relocalisation de l’alimentation et la transition agroécologique sans paysans ni paysannes dans les villages ?

Face à l’enjeu de renouvellement des générations agricoles, nous, acteurs de l’accueil et de l’accompagnement à l’installation-transmission, constatons sur le terrain les besoins d’accompagnement des candidats à l’installation agricole.

Chaque année, nos réseaux accueillent la moitié des aspirants paysans. Mais combien d’autres en auraient besoin ? Comment faciliter le parcours des 14 000 personnes qui se rendent chaque année dans les points accueil installation sans concrétiser un projet ?

Les besoins des porteurs et porteuses de projets sont aussi divers que leurs profils : appui et accompagnement pour identifier des terres, bien s’intégrer sur un territoire, trouver des références, identifier des solutions juridiques ou techniques à des problèmes de logement, de création d’entreprise, de transmission… En tant qu’intervenants au sein du parcours national à l’installation dans l’accueil, l’orientation, l’accompagnement et la formation de ceux qui découvrent tout juste l’agriculture, nous constatons chaque jour que passer un brevet professionnel de responsable d’entreprise agricole, s’inscrire sur le répertoire départ-installation et suivre un stage de 21 heures ne suffit pas pour nombre de personnes, notamment celles et ceux qui ne sont pas issus du milieu agricole.

« Les viviers de porteurs de projets d’installation évoluent et sont de plus en plus composés de NIMA [de personnes non-issues du milieu agricole], d’urbains ou encore de salariés en reconversion. Les projets d’installation se diversifient fortement », ce qui nécessite « une plus grande diversité et personnalisation des parcours d’installation », rappelle, comme nous, le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER).

C’est ce constat qui fonde notre action : aux personnes qui ont besoin de passer de l’idée au projet, nous proposons des formations pour identifier les différentes étapes jusqu’à l’installation, se repérer dans le paysage des organisations agricoles, réaliser des stages dans des fermes, trouver et financer des formations, connaître les acteurs d’un territoire, rencontrer d’autres porteurs et porteuses de projet et paysans… D’autres, après un diplôme agricole, souhaitent valider leur capacité à produire et la viabilité de leur projet. Nous leur proposons de passer par une phase de test d’activité, grâce à une centaine de dispositifs en France ou par d’autres parcours reposant sur des stages et le tutorat de paysans.

Les dispositifs que nous proposons reposent sur des accompagnements qui accordent une place centrale aux personnes, loin d’un simple rôle de prescription technique. Ils sont également pensés pour être accessibles. Cela n’est rendu possible que par la nature de nos structures, pour la plupart des associations à but non lucratif dirigées par des bénévoles, paysans et citoyens, qui coopèrent entre elles et avec des acteurs du monde agricole, des collectivités, des chercheurs, des établissements d’enseignement… Grâce à notre réseau désintéressé, et la mobilisation de nombreux bénévoles, nous assurons un lien sans lequel les politiques publiques de l’installation seraient encore plus inefficaces.

Nous, acteurs de terrain, sommes convaincus que la coopération multi acteurs est le cœur d’un accompagnement adapté aux besoins des futurs agriculteurs.

La coopération, cette participation à une œuvre commune, nous conduit à apprendre les uns des autres, à travailler sur le long terme. Elle est durable, comme en témoignent nos actions communes depuis dix ou quinze ans, et apporte une diversité de visions, de compétences et d’innovations au service des porteurs et porteuses de projet.

Ce sont ces coopérations qui ont conduit à la création de coopératives d’installation en agriculture paysanne (CIAP) pour accueillir des personnes en test d’activité et dans lesquelles interviennent souvent plus d’une dizaine de structures partenaires, avec une complémentarité de compétences (1). C’est en mettant autour de la table des coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA), des élus, des techniciens de chambre d’agriculture, des paysans et des citoyens au sein de groupes d’appui locaux que des porteurs de projet avancent plus rapidement et de manière plus pertinente dans leur installation. Dans le cadre du projet Terreau, nous avons pu analyser l’intérêt de ces Dispositifs d’accompagnement multi-acteurs et locaux (Damal), qui accompagnent une diversité de profils et interviennent à toutes les étapes du processus d’installation. Cela prend du temps, mais en fait gagner sur le long terme.

Ce sont aussi ces coopérations qui nous amènent à construire des réponses sur des sujets complexes ou peu pris en compte par l’État ou les organisations professionnelles agricoles. Sur la question de l’habitat, un frein majeur pour nombre d’installations, des expérimentations sont en cours avec des bailleurs sociaux afin que les paysans et paysannes aient droit à un logement social sur ou près de leur ferme ou avec des collectivités pour permettre l’installation d’habitats légers et réversibles.

Notre approche de la coopération a permis d’innover, de renforcer la qualité des accompagnements proposés et d’améliorer les conditions d’installation.

Notre travail sur les nouveaux statuts en agriculture a par exemple facilité les installations de collectifs dans des fermes en coopérative (SCOP ou SCIC), dans lesquelles les agriculteurs et agricultrices, associés et salariés, ont désormais le droit à certaines aides de la Politique agricole commune. Pour simplifier l’information des futurs paysans et paysannes, nous avons créé le site Passerelles paysannes, qui recense et explique les démarches et présente la diversité des acteurs et dispositifs accompagnant la construction d’un projet agricole. Pour faciliter la reprise des fermes, nous avons créé Objectif Terres, un site de petites annonces pour faciliter la rencontre entre ceux qui proposent et ceux qui recherchent du foncier agricole. Ces initiatives, d’intérêt général et financées en partie par la puissance publique, auront d’autant plus d’impact si d’autres s’en emparent. La coopération doit s’élargir à tous les acteurs !

Notre appel aux élus locaux : face aux écueils persistants, encourageons la coopération !

Ces actions ne répondent pourtant pas encore à l’ensemble des besoins. Nous manquons d’abord de moyens et notamment de financements publics pérennes pour nos structures et leurs actions communes (2) : la coopération ne va pas de soi et demande du temps. Mais nous manquons également d’appui pour informer les porteurs et porteuses de projet de nos actions et créer des dispositifs sur davantage de territoires.

Nous avons besoin de travailler ensemble : acteurs de l’accompagnement, élus locaux et partenaires sur les territoires. La réorganisation du parcours à l’installation-transmission, via France Services Agriculture, doit être l’occasion d’organiser un accueil et un accompagnement véritablement pluraliste sur les territoires. Pour favoriser les installations et l’évolution des pratiques, les collectivités ont tout intérêt à associer le plus de monde possible à des coopérations autour des questions agricoles et alimentaires et à s’appuyer sur nos associations et réseaux, qui regroupent des paysans et citoyens ayant l’expérience et l’expertise nécessaires. En tant qu’élus, vous êtes les garants de l’intérêt général et du développement d’une agriculture qui réponde aux besoins du territoire. Vous avez le pouvoir de rassembler différents acteurs autour de la table. Sans attendre les prochaines élections, ni une éventuelle loi agricole, prenons rendez-vous dès maintenant.

Cette tribune est cosignée par les structures d’accompagnement à l’installation-transmission du Pôle InPact et leurs partenaires :
SOL, Alternatives agroécologiques et solidaires
Terre de liens
La Fadear
Réseau Civam
Le Reneta, Réseau national des espaces-test agricoles
Le Réseau des Créfad
Relier

(1) Des associations comme les Civam qui accompagnent notamment les paysans dans leurs changements de pratiques, les Afocg spécialisées sur le chiffrage de l’activité agricole et l’apprentissage de la comptabilité, les Adear pour l’accompagnement des projets, des GAB pour les techniques en agriculture biologique, Terre de liens pour les questions de foncier, l’Atelier paysan sur le matériel agricole, des réseaux d’AMAP pour la commercialisation…

(2) Dans un travail réalisé pour la préparation du Pacte et projet de loi agricole en 2024, nous avons chiffré les besoins pour l’accompagnement à l’installation à 134,4 millions d’euros par an, soit environ 6 000 euros par installation, contre un budget annuel du programme AITA de 19,9 millions. Ce budget plus ambitieux comprend la formation à l’émergence de projets ; la formation pratique pour l’émergence et la concrétisation de leur projet ; le déploiement du test d’activité ; l’accompagnement individuel et collectif des porteurs de projet à chaque étape du parcours ; des dispositifs d’accompagnement en post-installation.