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Manifeste des paysannes de l’Ariège

Les paysannes de l’Adear de l’Ariège se font entendre. Après la création d’un groupe de femmes début 2022, l’écriture d’un manifeste et une présence remarquée à la manifestation du 8 mars 2023 (voir photo), des portraits sonores sont en préparation sur le rôle des femmes dans la transition agroécologique.

Nous, paysannes installée ou pas, sommes venues aujourd’hui témoigner de notre réalité et soutenir toutes les personnes qui subissent de plein fouet la violence du patriarcat.

Nous sommes mères, sœurs, amies et paysannes solidaires de toutes les femmes, cis, trans, des minorités sexuelles et de genre, de toutes ces personnes invisibles, invisibilisées de nos campagnes.

Il y a quelques mois, des tracteurs virils manifestaient ici dans les rues de Foix revendiquant « la ruralité, c’est nous ». Eh bien, voilà, nous sortons de nos fermes aujourd’hui pour clamer « la ruralité, c’est AUSSI NOUS » ! Ne laissons pas uniquement l’agriculture aux hommes cis, blancs hétérosexuels.

Nous sommes venues vous dire : oui les femmes et les minorités de genre ont leur place dans nos campagnes et dans nos fermes ! Si nous l’avons fait, vous pouvez le faire. Osons l’agriculture, installons-nous dans des fermes, soutenons-nous, retissons des liens de solidarité perdus. Ne nous confinons plus à la place qui nous est assignée.

Nous sommes venues aujourd’hui clamer haut et fort : nous sommes capables.

En dépit de leurs regards, moqueurs, pervers, dégoulinants, décourageants, en dépit de leurs jugements, de leur méfiance ou tout simplement de leur ignorance.

En dépit de l’administration qui nous dit que tout de même, s’installer seule pour une femme, ce n’est pas raisonnable. Qui nous demande avec inquiétude qui va conduire le tracteur. Qui nous conseille de mettre un verrou à la porte de notre yourte car c’est plus prudent la nuit pour une femme seule.

En dépit des voisins qui nous conseillent de mettre un soutien-gorge pour déposer une demande de permis de construire à la mairie, car quand même c’est plus convenable. Ils n’ont RIEN à dire ni à penser sur qui nous sommes, ce que nous pouvons faire ou pas. Nous emmerdons leurs convenances conservatrices.

En dépit de l’absence de matériel et de vêtements de travail à notre taille qui nous rappellent gentiment que nous ne sommes pas à notre place. La nôtre est au rayon tabliers à fleurs, couches culottes et essoreuses à salades, pas celui des tronçonneuses.

En dépit de toutes ces personnes qui nous demandent « il est où le patron » ou « ils sont où les hommes ? » quand elles arrivent sur nos fermes.

Eh bien, il n’y a plus de patron ! Nous emmerdons le patriarcat et ses soldats. Nous revendiquons un monde rural dégenré, libre de ses orientations sexuelles. Nous revendiquons des fermes en dehors des normes capitalistes, productivistes. Nous revendiquons une réinvention de l’organisation traditionnelle du travail, pour que chacun·e y trouve sa place en dehors de celle qui lui a été assignée, et la reconnaissance de toutes celles qui font le travail invisible sur une ferme ! Les mecs à la compta et les meufs à la méca !

Nous souhaitons nos corps, nos fermes et nos choix libres.