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Liliane Piot, administratrice de Terre de liens

Liliane Piot est administratrice de la fédération Terre de liens et du Pôle InPact.

Le gouvernement a jugé bon de mettre sa loi d’orientation agricole sous l’égide de la « souveraineté alimentaire ». Ce concept est bien établi en droit international, il se fonde sur « le droit des peuples à une alimentation saine et culturellement appropriée produite avec des méthodes durables, et le droit des peuples de définir leurs propres systèmes agricoles et alimentaires ». Cette définition proposée par Via campesina, en rupture avec la libéralisation des marchés agricoles, a été reprise en 2018 par la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP). Celle-ci implique l’accès à la terre et aux moyens de production pour les paysan·nes, la possibilité pour les États de réguler les marchés, la participation des citoyen·nes (dont les paysan·nes) aux politiques agricoles et alimentaires ainsi qu’un véritable droit à l’alimentation pour tou·tes. La France, au lieu de se conformer à la déclaration de l’UNDROP comme elle en a l’obligation en tant que membre des Nations unies, ne reprend ce concept que pour le dévoyer.

Au cœur de la LOA française, il y a l’idée d’accroître la compétitivité de la France sur les marchés internationaux, serait-ce aux dépens des capacités agricoles des pays du Sud, qu’elle menace toujours de dumping, tout en n’assurant qu’une « sécurité » alimentaire pour ses habitant·es. Cette vision quantitative nie leur capacité à produire et à définir la qualité de leur alimentation, elle met plus en avant les intérêts de l’État que les droits des personnes. La durabilité des pratiques et le renouvellement des générations de paysan·nes nécessaire pour que nos systèmes alimentaires puissent être plus durables et territorialisés sont eux aussi mal traités, comme Terre de liens et ses partenaires l’ont dénoncé. On est donc loin du compte avec ce projet de loi.

La récente déclaration d’Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, sur la nécessité de faire cesser l’activité des paysan·nes en difficulté fait froid dans le dos. Le syndicat qui influence le plus les politiques publiques semble se détourner de l’ambition de faire vivre des paysan·nes dans des fermes nombreuses, un prérequis pour diriger notre agriculture vers l’approvisionnement de systèmes alimentaires territorialisés et l’adoption de pratiques sobres et autonomes. Éliminer les fermes les moins « compétitives », c’est accepter que les exploitations soient moins nombreuses et donc de plus en plus grandes, qu’elles produisent à grande échelle pour les circuits longs et le marché mondial. Cela va impacter notre alimentation, nous entraînant vers l’industrialisation de l’agriculture et de nos assiettes alors que les aspirations vont vers la durabilité et la démocratie alimentaire, comme en témoigne le succès de l’idée d’une Sécurité sociale de l’alimentation.