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CAAP 24 : faire collectif pour proposer une offre de services aux territoires

Le Collectif alimentaire et agroécologique du Périgord (CAAP 24) regroupe des structures œuvrant dans des champs complémentaires autour de l’agriculture et l’alimentation afin d’accompagner les collectivités dans des transitions agroécologiques

Fin 2022, le Collectif alimentaire et agroécologique du Périgord (CAAP 24) signe sa première convention avec une collectivité territoriale. Cette communauté de communes rurale est en incapacité de répondre aux porteurs et porteuses de projets non issu·es du milieu agricole, attiré·es par ce coin de Dordogne. La chambre d’agriculture, sollicitée, n’ayant rien su mettre en place, c’est CAAP 24 qui hérite de la demande et la traite dans un collectif d’associations et coopératives complémentaires.

Relocalisation de l’alimentation bio

Avec six membres [1], le collectif couvre les champs de la restauration collective, de l’installation et de la formation des paysan·nes, du foncier agricole, de la logistique de produits agricoles et du soutien à l’agriculture bio. Jérôme Guyot, bénévole à Terre de liens, décrit la relation avec les collectivités : « Nous avons réuni toutes les compétences nécessaires pour répondre à des attentes complexes des collectivités. S’ils ne veulent pas acheter le foncier, Terre de liens l’achète, s’ils ne trouvent pas le bon maraîcher, on le forme. Ensemble nous savons répondre à presque toutes les demandes qui concernent la relocalisation de l’alimentation bio. »

Diagnostic partagé

« CAAP 24, c’est le bras armé d’InPact en Dordogne », un collectif avec un fonctionnement mûri en quelques années. Quand chaque structure sollicitait les collectivités territoriales pour une subvention, répondait à un appel à projets, attendait des années sa mise en place, le collectif optimise la relation avec les élu·es. « Nous nous retrouvions tous à toutes les réunions ; nous avons compris que nous parlions d’une même voix, construire le CAAP 24 devait pouvoir être un gain de temps considérable pour nos petites structures ». Le collectif, capable de répondre à beaucoup de demandes alors que ses membres seuls ne l’étaient pas, impose sa méthode, un diagnostic partagé du territoire avec un comité de pilotage qui implique tous les acteurs locaux.

La démarche est pragmatique, il s’agit de faire avec l’existant. Jérôme donne l’exemple d’une grosse communauté de communes dont le projet de cuisine centrale était difficilement compatible avec un approvisionnement bio et local : « On peut abandonner ce projet au profit d’une cuisine dans chaque école. On livre des carottes dans une école le lundi, dans une autre le mardi, le mercredi, le jeudi. Si on n’a pas à en livrer une tonne le lundi matin, on peut s’organiser autrement. »

Un accompagnement au juste coût

Pour Jérôme, CAAP 24 est comme « un bureau d’études hyper compétent », capable d’accompagner la mise en œuvre des politiques alimentaires et agricoles. Mais cet accompagnement a un coût… et une valeur. Les membres du collectif ont mis sur la table leurs coûts pour les harmoniser, ont donné une valeur au temps de travail bénévole ou salarié et un prix à leurs différentes prestations. À terme, le collectif ne doit pas dépendre totalement pour fonctionner de subventions qui sous-évaluent les coûts de fonctionnement.

Le produit de ce travail est mis en commun et redistribué selon le temps consacré par chacun. Quand un projet n’avance pas, il est mis en attente. Pas de relance, ce sont les collectivités qui reviennent quand elles sont prêtes. « C’est eux qui ont besoin de nous et pas l’inverse, explique Jérôme Guyot. On répond en se présentant comme prestataire de service sur un projet politique clair. Impossible de nous mettre en concurrence, on essaye d’apporter aux collectivités des réponses que la chambre d’agriculture seule, de l’aveu même des collectivités, n’a pas. La transition alimentaire dépasse largement le champ agricole au sens strict. »

Gouvernance sociocratique

Pour arriver à ce résultat, les membres de CAAP 24 ont dû inventer un fonctionnement propre, en archipel. « On n’a rien inventé, ça fait longtemps qu’Édouard Glissant parle des collectifs en archipel. » Les premiers pas du collectif ont été assurés grâce à une subvention qui leur a permis, entre autres, de se former à une gouvernance sociocratique afin de construire des décisions collectives dans le respect des positions de chacun. Concrètement, cela permet de se passer d’une super-structure et de fonctionner sur chaque projet avec les seules organisations concernées, auxquelles le reste du collectif fait confiance. Agrobio assure la gestion de CAAP 24 mais il n’y a pas de chef de file ou plutôt celui-ci change à chaque sollicitation.

Essaimer, Jérôme Guyot y pense, pour donner envie à d’autres structures membres d’InPact de sortir du circuit de financements agricoles difficiles à obtenir et qui sous-évaluent leur travail [2]. Mais ce sera plus tard, une fois que le collectif saura bien fonctionner et que les résultats économiques seront là. « Analyser une expérimentation, voir ce qui marche ou pas, ce qui a été déclencheur, ce qui fait localement que ça fonctionne, c’est particulier. J’attends de voir dans deux ou trois ans pour pouvoir dire que c’est un modèle réplicable. En Dordogne nous avons la chance d’avoir toutes ces structures de l’ESS opérationnelles, ce n’est malheureusement pas le cas dans tous les départements de Nouvelle Aquitaine. »

Aude Vidal pour le Pôle InPact, paru dans Transrural Initiatives n°496, mars-avril 2023.


[1Le collectif regroupe Nourrir l’avenir, une SCIC portée par des cuisinier·es engagé·es pour la restauration collective bio et locale, la Maison des paysans, le réseau des espaces-test agricoles Pays’ en graine, Terre de liens Aquitaine, la plateforme des producteurs bio Manger bio Périgord et Agrobio Périgord.

[2Sur les financements Casdar, compte d’affectation spécial pour le développement agricole et rural, lire « Aides riquiquis : l’État néglige l’agroécologie » par Enzo Dubesset, Reporterre.net le 8 juin 2022.